Ta grâce est d’être un enfant, à qui l’on pardonne tout, en qui tout est aimable, même cette gravité d’emprunt, même ces grands airs et ces petits tours, même cette livrée de majordome, même cet amour du haut bâton, où tu perches si complaisamment. Il n’est pas vrai d’ailleurs que tu ne sois le premier en aucun genre. Si tu n’as pas les grands talents, du moins as-tu l’industrie, et nul ne te surpasse dans l’art de se faire une maison. Aucun nid n’est plus que le tien solidement assis sur la branche élevée où tu le caches et l’abrites ; aucun n’est plus exactement tissé de matériaux mieux choisis ; aucun n’est plus chaudement doublé de plus fin édredon ; aucun n’est plus gentiment arrondi, plus ingénieusement façonné, avec ses rebords protecteurs, qui font saillie en dedans, et le garantissent contre les vents et la pluie.
Laisse donc murmurer la critique, heureux chardonneret ; bâtis-en beaucoup de ces nids qui sont des chefs-d’œuvre, remplis-les d’œufs abondants, foisonne et multiplie ; peuple les arbres de nos vergers, peuple les cages de nos maisons ; il n’y en aura jamais assez de ces petits oiseaux que la nature a répandus dans le monde pour se pavaner dans leur parure innocente et y entretenir le sourire d’une enfance perpétuelle.
Le Chardonneret élégant [extrait], Eugène Rambert, Chants d’Oiseaux (monographies d’oiseaux utiles), L’Âge d’Homme